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Une fois l’inselberg gravi, et le grand Machikou dernière nous, on pourrait croire que le plus était derrière nous ? Et bien, pas vraiment ! Notre point d’arrivée est en effet différent du départ : nous irons jusqu’à Cayenne. C’est environ 80 km que nous parcourrons dans l’océan sur les côtes guyanaises. Selon, c’est la plus belle étape du voyage, la plus calme aussi.

J15 – Mardi 27 : Arrêt au camp Cisame

Départ 7h30, avec objectif de déjeuner au camp Cisame. Nous allons récupérer des affaires posées par notre piroguier. Matinée sympa qui démarra dans le brouillard. Comme l’impression de naviguer sur le Lochness tropical !

Vers midi nous arrivons au camp Cisame. Très bien reçus, le propriétaire nous propose un petit coup à boire, que nous acceptons volontiers. Nous le questionnons sur les nouvelles du monde, malheureusement rien a changé !

La descente de l’après midi est forte en émotion, nous passerons plusieurs sauts : sauts Matthias, Athanase et Mapaou, qui sont devenus de petits rapides sympathiques avec la baisse du niveau d’eau. Les remous, ces courants invisibles, sont très forts. Christian se moquera plusieurs fois en me voyant danser sur l’eau de façon complètement incontrôlée.

Christian essaie de pêcher depuis un rocher

J16 – Mercredi 28 : Retour à la civilisation, à la 4G

La marée agit sur l’Approuague jusqu’au saut Mapaou, elle nous accompagnera donc à partir d’aujourd’hui. Le fleuve semble s’élargir peu à peu. En tout cas, le courant est de plus en plus faible.

La vue sur le pont de Régina

Nous arrivons à Régina vers 15h30. La connexion internet nous donne l’occasion de rassurer nos proches. Aussi nous devons faire le plein d’eau, car les prochains jours nous n’aurons accès qu’à de l’eau salée. C’est environ 12L qu’il nous faut pour 4 jours (nous réaliserons le dernier jour que c’était légèrement insuffisant) ; cela fait donc 12 kg de plus !

Première nuit en limite de mangrove : donc avec beaucoup de moustiques !

J17 – Jeudi 29 : Avancée dans l’estuaire

Longue navigation au programme car nous comptons nous approcher le plus possible de notre objectif du lendemain : le grand Connetable. Le courant nous porte de moins en moins et Christian commence à fatiguer, son kayak est moins adapté que le mien pour faire de la distance. Du coup, nous échangeons nos kayaks pour cette étape. Nous devrions arriver cette nuit à quelques kilomètres de l’embouchure.

Sur la rive gauche, nous croisons le canal de Kaw, qui rejoint les marais éponymes. Un beau rideau de pluie s’abattra sur nous à mi-parcours, un superbe spectacle, pas forcément désagréable.

Arrivés à marée basse au camp, il a fallu attendre un peu que le niveau remonte pour installer le camp dans la mangrove. L’endroit trouvé est parfait : de larges racines de palétuviers permettent d’accéder aux hamacs depuis les bateaux et on devrait pouvoir attacher les hamacs assez haut pour éviter de dormir les fesses dans l’eau à marée haute.

J18 – Vendredi 30 : Grand Connetable

Démontage laborieux du camp ce matin. La marée de la nuit a humidifié toutes les racines. Je ne sais pas si c’est l’excitation ou par peur de manquer de temps sur notre étape, mais Christian est pressé de partir ! Je peine à ingurgiter mon petit déj, puis je galère à défaire mon camp… Départ à 8h, 1h30 après notre réveil.

En se rapprochant de l’océan on commence à voir de gros poissons qui sautent hors de l’eau, selon Christian ce serait des thazards.

Nous longions la rive droite, assez proche du rivage, lorsque deux énormes trous d’eau se forment dans un boucan d’enfer sous notre nez. Peut-être avons-nous dérangé deux lamentins ?

De superbes nuées d’oiseaux accompagnent notre épopée, de toutes les couleurs : rouge, blanc, gris ; le tout sur fond vert.

Vers 10h30 nous arrivons à l’embouchure. Nous verrons le Grand Connetable que quelques minutes avant de l’atteindre. A l’embouchure nous croisons trois bateaux de pêcheurs brésiliens. Pas sûr qu’ils aient le droit de pêcher là… En tout cas, ils ne sont pas aussi sympas avec nous que les orpailleurs ! Après trois bonnes heures méditatives sur une mer d’huile, je m’arrime à la bouée de l’île aux oiseaux. Christian a préféré débarquer son kayak.

Nous passons l’après-midi à nous reposer en observant les oiseaux virevolter tout près. La vue sur Cayenne est sublime ! Contents d’être arrivés là.

Rêveurs devant le coucher de soleil sur Cayenne, un grand coup de feu nous ramène à la réalité. Qu’est-ce qui se passe ? Une bombe ? En levant les yeux au ciel, nous remarquons un étrange nuage qui zigzague. Nous venons de rater un lancement de fusée !

J19 – Samedi 31 : Ilet la mère

Pire nuit de toute ma vie ! J’ai dû dormir 2h. Le reste du temps il faut s’imaginer des rats qui courent sans arrêt sur la tôle et une vingtaine de coqs qui chantent en chœur à côté de votre oreiller ! C’est à cela que ressemble le concert nocturne quotidien sur l’île aux oiseaux.

C’est le premier matin où mon hamac est rangé avant celui de Christian : à 6h30 j’étais prêt à partir. Ma seule envie : arriver le plus tôt possible sur l’ilet la mère pour remonter fissa fissa mon hamac ! 30 km nous séparent. La marée, le vent, le courant et la houle devraient jouer en notre faveur sur ce trajet. Christian espère utiliser sa voile, dès que le vent se lève.

Nous l’attendrons ensemble pendant 1h, puis las et fatigué, ne voyant pas de difficultés majeures, je lui propose de nous séparer. J’ai trop envie de dormir, je dois pagayer pour rester éveillé.

Christian me donne quelques indications pour aborder l’ilet, puis zou, je mets les voiles, enfin, les pagaies !

Comme la veille, je m’arrêterai à de nombreuses reprises pour profiter du silence. Par rapport à la forêt, le contraste est saisissant !

Le Connetable derrière moi rétrécit assez vite et je perds Christian de vue après une heure de pagaie. L’ilet la mère est en partie caché par ses deux mamelles, deux petits ilets sur son flanc est. Mais la mère les domine.

Une fois au niveau des mamelles, je me dis que je devrais arriver assez rapidement… Mais pas du tout, je galère à me rapprocher… (il doit être 11h)

Un hélicoptère survole l’ilet, peut-être les gendarmes ? Une fois un peu plus proche, j’essaie d’identifier une zone d’accostage. J’ai l’impression que des vagues déferlent sur toute cette face nord-est… Christian m’a dit que les touristes débarquent « à gauche ». Mais de quelle « gauche » parlait-il ? Celle en venant de Cayenne ? Ou du Connetable ? Clairement notre état de fatigue se fait ressentir dans la transmission d’informations… Je décide de m’approcher de « la gauche » néanmoins car : c’est plus près et ça semble plus accueillant !

Un bateau qui installe un filet suggère par l’endroit où il stationne que le passage est possible entre deux zones rocheuses, juste après je découvre une petite plage, bien protégée. Deux familles y déjeunent tranquillement. Après avoir débarqué, je vide mon kayak et commence à faire sécher des affaires. Curieux, les occupants de la plage me demandent combien temps prend le trajet depuis Cayenne. Amusé, je leur réponds, un peu plus de trois semaines, mais avec un petit détour ! A entendre notre aventure, ils sont admiratifs.

Par la suite, ils me partagent leur déjeuner : un bon poulet à la mayonnaise avec un verre de coca, quel bonheur ! Plus tard, c’est un autre groupe qui nous offrira de l’eau fraîche.

Christian arrive moins d’une heure après moi. Il a pu sortir sa voile vers la fin mais sinon il a pagayé le reste du temps. Apparemment, un fort courant l’empêcher d’avancer lors des derniers kilomètres (mais nous n’avons pas pris exactement la même route : mamelles à gauche pour moi, à droite pour lui).

Pendant que Christian se repose, je décide de faire le tour de l’île. Je commence par son ascension. Une courte montée mène à une antenne. Le chemin est plus ou moins « entretenu » même s’il y a quelques petits chablis à passer. Au sommet, j’arrive juste après l’atterrissage de l’hélicoptère. Loin d’être les gendarmes, ce sont des touristes qui s’offrent un AR depuis Cayenne par les airs ! C’est étonnant sachant que l’ilet est déclaré comme zone protégée…

J20 – Dimanche 1er : Cayenne

Départ à 10h30, on va essayer d’arriver à marée haute car la plage est envasée. Pas de vent jusqu’à midi… On voit quelques dauphins au loin, plutôt craintifs. Je sens la fatigue, ramer est difficile.

De gros machoirands s’approchent des bateaux. L’eau translucide nous permet de bien les observer. Les machoirands voguent avec nous lorsque nous ne pagayons pas, puis, lorsqu’ils réalisent que nous ne faisons pas partie de la vie marine, ils plongent subitement dans les profondeurs.

Avant d’arriver, j’ai un gros doute sur la localisation du Mt Bourda. Depuis la mer, la perspective est différente. Après vérification sur la carte, tout va bien. Le cap est bon, mais j’ai bien failli me tromper ! Je confondais Bourda avec le mont Ravel.

Avant de débarqué, j’ai pu voir de près des dauphins qui chassaient dans la vase. Dès que j’arrivai à leur hauteur, ils fonçaient comme des torpilles !

Derniers 50m de vase à faire à pied, c’est tout coloré que j’arriverai de cette expédition, coloré et puant mais heureux !

L’aventure est finie. Une très belle rencontre d’un aventurier passionné par le paradis vert. Nous discutons déjà de notre prochaine sortie !

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2 commentaires

  1. Respect Jules. Avec mamy nous nous sommes dit que nous étions fonceuses dans la vie mais jamais on aurait oser faire un tel périple. Et mille merci pour tes écrits et tes photos qui nous font voyager avec toi. A bientôt. Mamy et Hélène

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