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Petite traversée

C’est donc avec quelques jours de retard que nous quittons Agadir. Enfin. C’est sur un superbe 54 pieds que nous passerons cette courte traversée (environ 260 milles nautiques). Au large, le vent s’établit entre 18 et 20 nœuds, il soufflera plutôt 20 noeuds pendant la nuit. Le pilote automatique est réglé, nous ne toucherons pas les voiles du trajet (moi en tout cas) ! Les quarts de nuit sont difficiles mais pas intenables. Quand le sommeil pointe le bout de son nez, il suffit de sortir la tête au dehors pendant 10 minutes ! Lanzarote se dessine à l’horizon à partir de 14h.

À peine arrivés sur l’île, qu’une montagne me fait de l’oeil. Ni une ni deux, j’enfile les chaussures de rando et part à la découverte de ce sommet. L’attente à Agadir a été un peu longue, il faut que je me remette au sport !

Une vue bien méritée
Une vue bien méritée

Isla Negra et Isla playa (Lanzarote et Fuerteventura)

Lanzarote offre des paysages lunaires montagneux. Comme Thierry a besoin d’un peu d’aide pour sortir le bateau de l’eau mercredi, j’ai au moins deux jours pour faire le tour de l’île à vélo. Elle fait environ 60km de long. Un Warmshowers peut m’héberger lundi soir sur Arrecife, ça tombe bien !

Cycling on the moon 🎶
Ca souffle sur Lanzarote !

Malgré le climat désertique, on trouve un peu d’agriculture sur l’île. Réputée venteuse, les vignes poussent au fond de petits « cratères », ce qui donne aux champs un charme particulier. Le tourisme aidant, l’infrastructure routière est assez récente, et les « anciennes » routes nationales sont réservées aux cyclistes. Lanzarote est, de loin, l’île la plus cyclo-friendly ! Dacio, qui m’héberge à Arrecife, m’indique même que beaucoup de cyclistes professionnels viennent s’entraîner ici. Et pour cause : le climat est clément toute l’année, il y a une bonne infrastructure et du dénivelé ! Surtout, la soufflerie naturelle de l’île permet de s’entraîner en conditions défavorables !

Le vélo n’est pas très chargé mais le mois d’inactivité et le vent n’aident pas vraiment pendant ces deux journées. Je rejoindrai quand même le nord de l’île, jusqu’à Orzola, puis traverserai Lanzarote pour retourner au bateau. La route est calme et les paysages sont toujours magnifiques.

Le quatrième jour aux Canaries, je quitte Lanzarote et Thierry pour Fuerteventura. La vingtaine de kilomètres qui la sépare de playa Blanca se feront en ferry, une fois avoir sorti le bateau de Thierry de l’eau. Arrivé en début d’après midi, j’ai le temps de déjeuner, pédaler moins de 30km et de finir la journée par une petite randonnée vers Valleebron.

Bateau volant
Lanzarote au loin depuis Fuerteventura
Vue aérienne sud
Vue aérienne nord

Au programme de la deuxième journée, la traversée des montagnes de Betancouria avec deux randonnées. Une au dessus de Betancouria, et l’autre vers Toto. Le vent souffle toujours, mais dans le dos cette fois. Par contre, il est très fort en « altitude » (le sommet de l’île, pico de la Zarza, culmine à seulement 807m). Un petit abri de pierre me servira de maison cette nuit là.

Toto vu d’en haut
Vie nomade mais nuit confort

Le troisième jour, sur le vélo uniquement, passe dans une superbe vallée en descendant sur Pared, la montaña Cardón veille. Puis, traversée de l’isthme en suivant les dunes. Après ces deux jours seuls dans la nature, le déjeuner dans une station balnéaire est un peu brutale (mais la douche fera bien plaisir !). Les gens ici me parle directement en allemand…

La route entre Morro Jable et Puerto de la Cruz est une piste 4 étoiles : bien roulante avec peu de cailloux. Des montagnes à ma droite et la mer sur la gauche comme seuls compagnons. Au phare de Punta Jandía, une famille germano-italienne m’invite à partager son dîner. Ils habitent Munich et ont loué un camping-car pour visiter l’île. Cette nuit, je dormirai à la belle étoile, au son du vent et des vagues. Les nuages défilent et provoquent des éclaircies de pleine lune. Je me réveille au milieu de la nuit et impossible de refermer l’oeil dans l’immédiat. 2h à contempler les deux phares : un naturel éphémère, l’autre articificiel mais perpétuel.

Phares

Le matin, le manteau de bruine ne donne pas envie de s’éterniser ici. La nuit aura été courte, mais une superbe plage m’attend pour la sieste : à Cofete. Peu de kilomètres et de dénivelés nous séparent ! Une route sinueuse m’y emmène. Cette plage s’étend sur plusieurs kilomètres. Au seul café du village, je discute avec un anglais qui a randonné depuis l’autre côté, il me confirme que ce serait difficile de monter à vélo mais qu’une fois le col passé la descente serait plus simple. Cette option me plaît car elle me permettrait de tenter l’ascension du sommet de l’île : le pico de la Zarza. Et de rejoindre ensuite Morro Jable pour prendre le ferry.

Plage infinie
Barrière naturelle
La montagne rôse
Bonne nuit

Encore une nuit à la belle étoile, et toujours du vent. Ma journée commence tôt car je sais que l’ascension sera longue et difficile. Je projette de monter jusqu’au col puis de laisser le vélo et de monter à Zarza à pied. Il n’y a pas de sentier prévu mais ça semble jouable. La montée au col est aussi difficile que prévue ! Je devrais faire plusieurs aller-retours, avec les sacoches d’abord puis avec le vélo. Mais je ne croiserai personne ! Après 3h de montée me voici au col. Vélo posé, je commence l’ascension pédestre. Il me faut me frayer un chemin « logique » dans un dédale minéral. Après une bonne heure et demie, j’arrive presque au sommet et là, surprise : une grande clôture m’attend… j’ai le choix de continuer à l’ISO en suivant la clôture puis de monter mais je risque de manquer de temps… donc je préfère déjeuner et rebrousser chemin. Enfin, la descente, supposée facile, n’est en fait pas si idéale que cela… Elle est même plus compliquée que la montée à cause de nombreuses « marches » assez hautes. Les sacoches les touchent donc et je risque de les abîmer. Bref, une journée un peu merdique, qui se termine en beauté par 6h de ferry !

Ténérife, l’île aux mille visages

Le ferry m’a débarqué à Santa Cruz de Ténérife et le camping le plus proche est à Tejina, au nord d’ici. Je n’ai pas vraiment de programme, mais je compte rester sur cette île au moins dix jours. Après un court passage à la marina, je mets le cap au nord. La montée jusqu’à la Laguna est plutôt longue et raide ; en plus le traffic dense et l’impatience des automobilistes n’ajoutent aucun plaisir à l’ascension de cette montagne urbaine. Je retrouvai le calme et la tranquilité une fois au camping. À part une colonie de vacance française, il n’y pas grand monde. Le parc naturel de l’Anaga n’est pas très loin d’ici et semble parfait pour un combo vélo-rando ! Par contre, il est strictement interdit de camper dans cette zone… Un espagnol du camping me fera comprendre que le bivouac semble par contre toléré. Si non, les seules options pour dormir là haut sont en auberge ou maison d’hôte – options non comprises dans mon budget !

Parque de l’Anaga

Le lendemain, je pars donc pour l’Anaga avec deux sacoches, le reste m’attendra au camping. Première étape : Cruz del Carmen. Une fois le vélo posé devant le café, je pars à pied direction Las Carboneras. Puis retour par Tavorno jusqu’au pico Ingles. Une forêt très verte et humide mais aussi des crêtes escarpées qui rappellent les Alpes. Dodo dans la forêt, il fait un peu froid, mais j’arrive à dormir un peu plus de 6h.

Jungle d’Anaga
Jungle un jour, jungle toujours

Escaliers naturels
Le rouge et le vert

Comme il n’y a pas de café dans le coin, c’est dans la forêt que je cacherai le vélo. Le campement (photo ci-dessus) est la planque idéale. Puis je pars direction le village de Chamorga. C’est la même forêt tropicale que la veille, enveloppée dans le brouillard du matin. J’effectuerai une petite boucle jusqu’au hameau de Roque Bermejo. Les montagnes de Tafada et le phare d’Anaga sont sur ma route aller. Le retour se fera dans le canyon menant à Charmoga. Très jolie vallée. Pour rentrer au camp, je peux attendre le bus ou faire du stop, la seconde option me semble plus intéressante ! À peine le pouce levé, qu’un conducteur s’arrête. Il est originaire de Barcelone mais travaille ici. Depuis son dernier voyage en France, il essaie d’apprendre le français.

Décors typique des Anaga
Charmorga sortie du brouillard
La route du phare

Vélo retrouvé, je reviens sur mes pas jusqu’à Roque Negro. Dans la voiture, le catalan m’a conseillé un restaurant qui sert de la cuisine locale : casa Santiago. Ça tombe bien car il est sur ma route et je passe dans le coin vers 13:30 : l’heure du déjeuner hispanique. De la musique s’échappe de l’entrée. Un guitariste, une chanteuse et deux fans sont attablés sur ma gauche. En face, un vieillard lit son journal. Et deux locaux sont au comptoir avec des petits verres de rouge. Bonne ambiance ! Je m’assois en terrasse et commande une demie racion de chèvre avec des papas (patates), et un petit verre de tinto (vin rouge). Pour goûter. C’est assez bon et pas très cher.

Le ventre plein, j’entame la descente vers Roque Negro. Sûrement là où je passerai la nuit. Le hameau n’est pas bien grand, la place du village est toute mignonne. Sans parler de la vue imprenable sur le village d’Afur. Le coin est tranquille en tout cas. Il n’est pas 15h quand j’arrive, je cadenasse alors le vélo et pars à pied. De retour, la place est devenue plus animée qu’avant ! Dans une petite salle mitoyenne à l’église, ont lieu des cours de chant. Une heure plus tard, c’est une répétition de danse qui a lieu sur le parvis de l’église. J’ai bien choisi l’endroit et le moment ! À la fin de la répétition, je vais voir la doyenne du village pour demander si je peux dormir sur la place. Juste une nuit. Elle sera plus fraîche que la veille. Sûrement à cause du ciel dégagé. Mais bon, je survivrai : c’est maintenant la 7eme nuit que je passe sans tente !

Place de Roque Negro

Pour ma dernière journée dans l’Anaga, je m’offre une belle boucle : de Roque Negro jusqu’à Taganana, ville de la vallée voisine, et retour par Afur. Plusieurs paysages au menu : d’abord la forêt bien verte, puis un sentier côtier mêlant désert, Bretagne et fjords norvégiens. Je croiserai d’abord deux amis, un brésilien et un vénézuélien. Anibal, le vénézuélien, m’explique que pendant l’époque franquiste, les temps étaient durs pour les Canaries et beaucoup émigrèrent là bas. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Le Vénézuela est d’ailleurs surnommé la huitième île par les locaux.

Rando Taganana – Afur
Rando Taganana – Afur

Un couple français nous rattrape, je décide de continuer avec eux car ils papillonnent un peu moins, et ma conversation en espagnol commence à tourner en rond… ils sont Toulousains et profitent du comité d’entreprise pour s’offrir une semaine tout compris sur Ténérife. Adeptes de l’autostop, ils partagent leurs échecs sur l’île en partant de Puerto de la Cruz (ville majeure du nord). On marchera ensemble jusqu’à Afur en discutant de nos voyages, nos randos, etc.. Ça fait du bien de rencontrer des gens par hasard ! Ces sentiers ne sont pas trop parcourus alors qu’ils sont magnifiques ! Pour cela je remercie la voiture d’exister : elle permet de contenir les touristes aux abords des parkings. Pour cloturer ce séjour dans le parc, 300m de montée m’attendent suivit d’une longue descente. En plus, je commence à connaître la route !

De retour au camping, je discuterai pas mal avec un italien. Lui aussi voyage à vélo… depuis 4 ans ! Il réside ici depuis 2 ans et travaille en échange d’une tente « présidentielle » et sûrement quelques dineros. Il pense ouvrir son propre camping ici, ce qu’il manque vraiment ! Par contre une offre cyclotouriste ne lui semble pas viable comme il y a peu de cyclistes… peut-être le vélo électrique pourrait aider le développement du tourisme à vélo dans ces contrées vallonnées ?

Acampada au Teide

Après l’Anaga, j’entame une retraite dans le parc principal de l’île. D’abord dans la zona de acampada de la Caldera, puis celle de Las Raices. Ce sont des sortes de camping public qu’il faut réserver en ligne, le nombre de place et la durée sont limités (jusqu’à sept jours consécutifs). Il y a en général de l’eau (non potable, mais que je filtre.. parfois) et des toilettes. Je crois que certaines zones ont des douches… pas de gardien par contre. Mais j’ai toujours laissé le vélo cadenassé lors de mes excursions journalières, sans soucis ! Il n’y a pas beaucoup de passage dans ces zonas…

À vélo, qui dit montagne, dit « fait chauffer tes cuisses » et attention aux bus ! Départ à 10h et arrivée à 17h, pour 50km et 1500m de montée… La dernière ligne droite est sinueuse, avec des bus qui passent à pleine trombe. Autant je glorifie les transports en commun pour leur utilité publique en ville, autant je les trouve dangereux en montagne… Cela dit, les routes ne sont pas très adaptées aux rares cyclistes (et la masse critique 1 risque de ne jamais être atteinte).

Pour explorer un peu les environs, je partirai à pied le premier jour. Plusieurs randonnées partent du campement. J’emmène le parapente avec moi pour faire du gonflage au décollage d’Isaña. Et puis ça m’entraînera de montée avec un peu de poids. Les trois quarts de la rando sont dans les pins, et ça monte droit dans la pente. Arrivé au plateau, on passe directement de la forêt dense au désert ! Avec tout de même des buissons bien fournis en araignées ! Qui me confirment que ce sentier n’est pas très emprunté… Le sommet est loin du terrain rêvé de pente école : roches volcaniques abrasives et pente forte. En plus, le souffle majoritaire vient plus du vent que de la brise. Ce n’est pas l’idéal pour ce que je voulais faire, mais je déplie quand même ma voile. Trois bourrasques me font rapidement changer d’avis, en plus le vent a forcit, donc la partie est terminée pour aujourd’hui. Un peu déçu, j’entame le retour vers le camping, en stop cette fois. Encore une fois, la chance me sourit : une vénézuélienne s’arrête. Mon sac de parapente a attiré son attention, et pour cause elle travaille avec un pilote qui vole ici. En conduisant, elle me dit que le décollage officiel est en fait un peu plus loin et me propose de m’y emmener pour décoller. Mais je décline, je trouve le vent trop fort. Par contre, ils ont un vol prévu le lendemain matin et elle peut me monter avec eux. Ce sera pour un « plouf »2 mais pourquoi pas !

Le Teide et sa mer de nuage

Voler c’est bien, avec un atterrissage c’est mieux

Grâce à Erica rencontrée la veille, je vais pouvoir faire mon premier vol depuis Arbas ! La voiture est presque pleine avec : Marco le parapentiste, Érica et leur client en quête de sensation forte. Aujourd’hui, les conditions sont parfaites : pour une fois le voile nuageux sous le plateau s’est dissipé. Marco m’a expliqué qu’aux Canaries certaines règles du parapente ne s’appliquent pas vraiment… Il est donc toléré de décoller depuis un parc national sans visibilité sur l’atterrissage ! Atterrissage qui dans notre cas se fera sur une plage à Puerto de la Cruz.

Au décollage nous retrouvons d’autres bi-placeurs “touristicommerciaux”, la brise est encore légère. Marco décollera avant moi et je le suivrai jusqu’à l’atterro. Pour voler, il vaut mieux se sentir bien physiquement et moralement, mais aussi avoir un bon pressentiment sur le vol. C’est mon cas ce dimanche : je suis reposé, un peu excité et les conditions sont calmes. Lors d’un vol, les phases critiques sont surtout le décollage et l’atterrissage. Pour ma part, je maîtrise assez bien le premier mais le second a encore une marge d’amélioration notable ! L’atterrissage demande en effet une bonne connaissance de son aile et de son plané, ce qui permet de faire une belle “finale” : la dernière ligne droite avant le posé. Plus le site d’atterrissage est grand (celui de Lumbin, sous Saint Hilaire du Touvet, est énorme), plus il est aisé d’atterrir. Une bonne pratique lorsque l’on découvre un nouveau site est de visiter l’attéro avant de décoller : cela permet de visualiser les approches 3 “au calme” depuis le sol. Mais je ne l’ai pas fait aujourd’hui pour plusieurs raisons : premio l’atterrissage est assez loin du camping (en distance ET dénivelé), deuxio c’est une plage je l’imagine donc grande et pas trop fréquentée (vu le nombre de biplaces qui atterrissent).

La voile est dépliée sous le soleil de 10h30, Marco est en train de démêler ses suspentes, je l’imite. Au début, je n’aimais pas trop cette phase car beaucoup de noeuds apparaissent magiquement et ils sont « souvent » difficiles à défaire. Mais avec le temps, on apprend à mieux ranger sa voile, les noeuds se font alors plus rares. En plus, le vol commence dès la voile sortie de sa housse, mentalement la concentration est à 100% sur nos suspentes, la sellette, l’évolution du vent, le casque… Bref, la préparation de la voile se fait dans une sorte de bulle mentale, presque méditative. Marco a quelques noeuds, j’en profite alors pour faire le réglage de la caméra : angle de vue, qualité d’image, sont importants si je veux pouvoir vous faire voler avec moi par la suite !

Le biplace est parti. C’est à mon tour maintenant. La brise, toujours légère, devrait tout de même me permettre de décoller en face voile. Le regard en contrebas, sur la girouette, dans l’attente d’un nouveau cycle d’air. Il arrive, ma voile monte doucement, toute légère, le cône de suspentage ne montre aucun défaut : c’est parti ! Je ne la sens presque pas au dessus de ma tête car le courant d’air est faible, ma course va l’aider. Quelques foulées, et je m’envole. Quel bonheur. Sur la gauche le Teide me surplombe du haut de ses 3700m et en face de moi, l’immensité bleue de l’Atlantique m’hypnotise. Dans le fond apparaît La Palma, à une centaine de kilomètres. Les thermiques ne sont pas encore établis. Je poursuis donc ma descente lentement vers Puerto de la Cruz, survolant d’abord la couronne de pins du Teide puis la zone urbaine côtière.

Au niveau de la mer, je vois enfin l’atterrissage. Une petite baie en plein centre ville. La zone de perte d’altitude se situe au dessus d’une falaise en amont. Les lampadaires et les grands immeubles rendent la plage moins attractive à tout parapentiste débutant… Bien que la plage soit plutôt grande, la zone d’atterrissage “officieuse” est, elle, bien plus petite (15m de long sur une largeur de 5m). Après plusieurs aller-retours le long de la falaise, je décide de me mettre en finale. Un peu tard, je me rends compte que je suis trop haut. La voile est toujours à environ 30-35 km/h mais les immeubles semblent se rapprocher plus vite ! Il faut que je la freine et que je zigzague entre les lampadaires. Les passants sont nombreux mais je ne les considère pas encore comme des obstacles. Ce dernier S avec la voile freinée me permet de perdre l’altitude manquante, mais ce n’est pas très propre et un peu dangereux pour les passants dessous ou moi même… Enfin, le sable se rapproche, les mains hautes pour bien rentrer dans le gradient, puis je freine complètement la voile juste avant l’impact. Pfiou. Quel attero de m$@&de !

Je fais remarquer à Marco que c’est plutôt difficile comme approche, il me répond “c’est vrai, l’attero officiel est sur le parking derrière mais sur la plage c’est plus impressionnant pour les touristes et en plus c’est une bonne pub’ facile !”. Bref, nouvelle leçon retenue aujourd’hui : voir l’attero d’un nouveau site est NÉCESSAIRE encore à mon niveau. La seconde leçon : se méfier de ce que disent les pilotes locaux, surtout s’ils ne travaillent pas pour une école (ou alors demander à plusieurs). Ce genre d’erreur est bénéfique dans la discipline du parapente car elle permet de remettre les pendules à l’heure. Il est à peine treize heure lorsque je rejoins le camping mais je considère ma journée finie.

Rando au Pico

Pico del Teide est le toit de l’Espagne. En début d’année, avec les copains, nous avions gravi à ski avec le pic de l’Aneto (Pyrénées) dans un tout autre décor. Mais ce dernier n’est que le plus haut sommet de l’Espagne métropolitaine ! Le volcan Teide fait 314m de plus. L’accès au sommet est restreint pour la conservation, il faut donc demander un permiso pour y accéder. Deux à quatre mois en avance. Bien évidemment, je n’ai pas le permis… Le programme de la journée est de faire la randonnée jusqu’à la limite autorisée et de négocier une fois là haut. Dans tous les cas, la rando promet d’être scénique !

Montaña blanca

Trois minutes de pouce en l’air me permettent de monter jusqu’au sentier de Montaña Blanca en stop. L’air est déjà chaud dès 9h30. Quelques groupes descendent, peut-être sont ils montés tôt le matin (pas de permiso nécessaire dans ce cas). Je monte assez vite, c’est mon sport de la journée. Le refugio Altavista derrière moi, je croise un espagnol au look montagnard, curieux, je lui demande si est possible de monter depuis la face est. Il est énervé. Lui aussi est monté à pied. Lui non plus n’avait pas le permis. Lui aussi pense que la montagne n’est pas une attraction touristique mais un espace de liberté et de responsabilité. Le mot espagnol qu’il utilise pour décrire le responsable des entrées m’a l’air tout sauf affectif ! Ça va être plus dur que ce que j’espérais…

L’altitude limite est à 3550m, au niveau de l’arrivée du téléphérique. Le contraste est saisissant : il faut se frayer un chemin entre les touristes alors que j’ai compté 9 personnes sur le sentier de l’ascension. J’ai compris après que les touristes passent en fait qu’une journée (max. deux) dans le parc. Ils ont donc le temps de monter au Teide (grâce au téléphérique), visiter les Roques de Garcia, faire des photos depuis plusieurs miradors (grâce à la voiture). Mais bon, ce n’est pas vraiment une excuse !

La négociation débute alors avec M. Permiso-necesario. Longue, difficile, inutile (?), je finis par comprendre qu’il serait possible de monter une fois le téléphérique fermé, vers 19h, lorsque l’équipe Permiso-necesario aura quitté les lieux. Il est midi et demi. Je décide d’attendre jusqu’à lors, je lirai en attendant. Beaucoup de gens ne sont pas au courant de l’existence du permis. D’autres ont des permis “périmés”. Certains veulent en changer le titulaire. Mais M. Permiso-necesario est formel : le bout de papier est strictement nominatif et valide uniquement à la date indiquée. D’un côté, je comprends et même soutiens les efforts de conservation, mais j’ai du mal à croire que les 200 personnes autorisées par jour se pointent le jour-J. Même en Allemagne, où les refuges sont tous réservés des semaines à l’avance, il y avait toujours des désistements de dernière minute pour les pauvres français et espagnols en retard… Dès 17h M. Permiso-necesario quitte son poste, il ne manque pas d’en informer son collègue du téléphérique qui assurera la relève. Un couple d’espagnols arrivent au sommet « intermédiaire » en sueur et ils n’ont pas de permis non plus. Ils discutent un peu avec ce dernier qui a un discours un peu différent : « si vous montez sans permis, même en dehors des horaires d’ouverture, vous risquez à une amende de 6 000€ ». Perlexe, le couple n’y croit pas mais devant l’entêtement du garçon ils renoncent à monter ce soir. Je resterai une heure de plus à réfléchir, puis je déciderai aussi de rentrer à la maison, l’altitude et le soleil ayant eu raison de moi. Voici la deuxième montagne « interdite » du voyage…

Pour la descente, j’emprunterai un autre chemin, via le pico Viejo (le vieux pic), superbe cratère. En plus, la vue sur le Teide est exceptionnelle ! Le couple allemand que je rencontre sur le chemin me déposera au camping pour terminer cette longue journée.

Cratère du pico Viejo
Pico Viejo
Descente du Teide
Teide vu depuis le pico Viejo

Fin du séjour sur Ténérife

Ma réservation à la Caldera termine ce mardi, je pars donc pour Las Raices, qui est plus proche de Santa Cruz, mais aussi plus loin du parc national. Après avoir parcouru plusieurs fois cette route en stop, il me faut la grimper par la force des mollets !

Je suis tombé sous le charme du parc du Teide, et regrette un peu mon éloignement… Maintenant 40 à 50km me sépare des belles randonnées. Cela ne m’arrête pas pour autant et j’arriverai à faire deux sorties de plus grâce à l’autostop !

La seconde était maravillosa (merveilleuse) : les Siete Cañadas (sept ravins/canyons), agrémentée du sommet Guajara. Ce jeudi fût une journée « optimisée » ! Le temps total d’attente en stop compte 30 minutes max, pour 1h30 de trajet et 5 voitures différentes : ce qui est plutôt bon. Comme toutes les autres randos jusqu’ici, je croiserai des touristes dans les zones à 2km d’un parking uniquement ! J’ai donc la paix sur 14km. Les paysages changent sur le chemin, mais gardent le Teide comme sentinelle.

Après la rando, je souhaite prendre le ferry pour rejoindre Gran Canaria. Le stop marche tellement bien, que j’arriverai à embarquer avec le ferry de 18h30, en achetant mon billet 2 minutes plus tôt au guichet ! Adios Ténérife !

Autostop à Ténérife

L’autostop est une pratique écologique ouverte à toutes et tous, de préférence pas trop pressé. Je pense que c’est une bonne transition d’une société « tout voiture » vers le « tout transport en commun ». Basé sur la confiance et la solidarité, ce mode de déplacement permet de se reconnecter à la réalité par des échanges qui ne sont malheureusement plus difficiles aujourd’hui (mixité sociale, politique, etc). Par exemple, j’ai pu, grâce à l’autostop, échanger avec des ouvriers, islamistes, corses un peu dangereux, artisans et d’autres encore.

En tout, ce sont 13 voitures qui m’auront aidé à faire 8 trajets. Statistiquement, les voitures étaient composées à 38,5% d’homme seul, 38,5% de couple et 23% de femme (seule, famille, amie). À peu près moitié-moitié pour la répartition touriste VS locaux. Des touristes, 70% étaient germanophones (suisse, allemand, autrichien) ! Et le prix de la meilleure voiture revient à …

Une voiture 100% filles : une mère autrichienne et ses deux filles en vacance. L’aînée fait ses études ici, donc la famille en profite pour lui rendre visite ! J’ai l’impression que les touristes espèrent aider un local lorsqu’ils s’arrêtent… alors qu’en fait, pas du tout ! Pour les remercier, je les aiderai à finir leur pizza de la veille, qui était énormissime.

Notes de bas de page

  1. La masse critique c’est le nombre minimum de cycliste nécessaire pour que les automobilistes fassent plus attention à eux
  2. Pour le vocabulaire du parapente, voir cet article
  3. Trajectoires précédent l’atterrissage, qui en général évite les obstacles physiques (ligne haute tension, route, …) et les pièges aérologiques

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4 commentaires

    1. Héhé, plaisir partagé de lire des commentaires ! Je n’ai pas reçu de newsletter der votre projet depuis quelque temps, ça avance tjs ?

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